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Hamilcar S. Alivisatos

L'état du Mont Athos

Théologia, 36, Athènes 1965, p. 39-52.


Partie 3

Nous arrivons ainsi à l'état existant actuellement au Mont Athos et il ne nous reste qu'à examiner les raisons qui ont provoqué la décadence apparente des centres monastiques et le déclin évident de leur épanouissement, tel au moins qu'il avait existé auparavant. Ces raisons sont les suivantes:

l) L'asservissement durant de longs siècles, au plus barbare des jougs, de toutes les sections de l'Église Orthodoxe, exception faite de l'Eglise Russe. Ce joug a surtout pesé sur les sections de l'Eglise hellénique. Dès les VIIe et VIIIe siècles déjà, mais surtout après la prise de Constantinople en 1453, cet asservissement qui pour certaines sections de l'Eglise Orthodoxe et surtout pour le Patriarcat de Constantinople, dure encore aujourd'hui, a paralysé toute la vie ecclésiastique et, par conséquent toute la vie monastique qui, jusqu'alors, fleurissait dans toute sa vigueur. De certaines de monastères renommés ont été supprimés et dévastés, après avoir été pillés et profanés, tandis que dans ceux qui furent sauvés, une atmosphère de peur et d'instabilité prévalut, créant de conditions de vie ne permettant plus une régénérescence. Outre les sources des informations historiques, nous avons, hélas, une expérience récente de la manière civilisée avec laquelle le joug turc s'appesantit sur l'Eglise, telle qu'elle apparut pendant les événements de Constantinople de 1955.

Malheureusement les intérêts matériels des puissances chrétiennes européennes ont permis la continuation jusqu'à nos jours dans les territoires chrétiens d'un status quo honteux.

Or, ce ne sont pas simplement les saintes églises et les bâtiments des couvents construits avec tant de dévotion par les Pères d'heureuse mémoire, qui furent détruits et profanés, mais toute la vie spirituelle qui dépérit et s'effaça. Des milliers de pères trépassèrent dans le martyre, mourant dans l'amertume, non seulement pour leur mort injuste de martyrs, mais aussi pour l'extirpation graduelle de la vie angélique de ces saints lieux, où jadis elle fleurissait.

Vous en Occident, vous n'avez pas, heureusement, goûté de près l'amertume et vous n'avez pas connu de près les horreurs de ce fléau divin. Manquent donc d'une expérience suffisante, vous n'êtes pas en état d'estimer à sa juste mesure la signification et le prix d'un tel sacrifice. Mais vous devez comprendre pourquoi ces conditions, qui avaient duré plus de quatre cents ans, contribuèrent à la décadence de la vie monastique et à l'extinction presque totale de ces centres spirituels que furent jadis les couvents.

Pourtant c'est un fait vraiment digne d'admiration que pendant toute cette période d'horreurs, dans les monastères qui subsistèrent, la vie liturgique - et vous, vous êtes en état d'estimer sa signification- né disparût pas, même momentanément. On ne doit pas oublier que, malgré ce qu'on dit sur la décadence des monastères, sur ceux de Mont Athos surtout, mais aussi sur celle des autres centres monastiques, la tradition liturgique, unique dans son genre, y est conservée. Et cette tradition constitue la gloire de l'Eglise Orthodoxe.

Avec la sainte messe, dans ses divers types, comme centre et comme une couronne autour d'elle, les divers offices du cercle journalier, hebdomadaire, mensuel et annuel, les cérémonies religieuses y sont pratiquées, même par de religieux illettrés, dans le rituel le plus strict et le plus parfait et c'est là seulement que ceux qui s'occupent de questions liturgiques trouvent le rituel exécuté dans toute sa perfection et dans toute sa magnificence. Cette perfection est un reste de la gloire de l'Orthodoxie, bien vivant pour ceux qui, comme vous, connaissent la valeur et l'importance du rituel qui, ne fut-ce que comme un élément de la tradition, serait seul suffisant pour témoigner de l'immuabilité de la vie monastique qui continuera, bien après les mille ans de sa durée, à perpétuer éternellement dans les siècles la gloire de l'Eglise.

Les cas ne manquent pas, d'autre part, de personnalités d'une spiritualité supérieure et d'une disposition vraiment mystique dans leurs contemplations qui, malgré la désolation intellectuelle existante, se réfugient dans les couvents par besoin spirituel personnel et, avec une patience d'ermites, continuent la tradition qui est en danger de disparaître.

Pendant toute cette période obscure des questions ecclésiastiques d'une importance secondaire ou même de troisième ordre, ne cessèrent de naître, rappelant les divers courants spirituels d'époques passées (comme par exemple la question du blé cuit qu'on offre en memoire des morts «τα κόλυβα», celle des messes de commémoration célébrées le dimanche etc.).

2) La décadence commencée dès le Moyen Age, à cause des raisons déjà exposées, se rencontra, pendant et après les deux guerres mondiales contemporaines, avec les nouvelles conditions de vie par celle ci, dont une des caractéristiques principales est la prépondérance absolue des théories matérialistes, soit sous la forme du Capitalisme, soit sous celle du Marxisme. Ce nouvel état de choses n'était pas favorable pour attirer les jeunes gens vers la vie monastique, Et en effet, ils l’évitent d'une manière décisive. Ceux qui parfois se réfugient dans les monastères, ne sont point, dois-je dire, attirés par un idéal et des motifs supérieurs et, à cause de cela, ils n'y sont pas admis avec facilité et y restent difficilement.

Ceci ne signifie pas qu'aujourd'hui encore de jeunes gens, ayant la vocation religieuse, n'existent pas. Mais ceux-ci sont plutôt attirés par les diverses organisations religieuses, où ils réussissent à satisfaire leurs tendances pieuses et leurs besoins spirituels, sans considérer nécessaire l'isolement dans un couvent. Cette constatation, bien que remarquable si elle est considérée sous un point de vue religieux général, envisagée du point de vue monastique étroit, est plutôt regrettable, car elle prouve que même les jeunes gens ayant de dispositions religieuses, préfèrent aujourd'hui la vie des villes à la vie pleine de restrictions des couvents.

Certes, comme nous avons déjà dit, bien des hommes mûrs sont parfois attirés par les monastères et surtout par les ermitages et les lieux de retraite du Mont Athos et on peut espérer qu' ils seront le levain qui aigrira toute la pâte (A Cor. V- 6).

3) Non rarement, par malheur, la politique a contribué à corrompre l'idéal monastique. Selon de rumeurs persistantes, c'est un secret commun que la politique de certains pays a considéré les centres monastiques de l'Athos comme un bon point de départ pour l'extension de ses desseins et servir à des intérêts et à des profits politiques.

C'est à cause de cela que, tandis que dans le Mont Athos justement, l'état monastique ne refusait pas l'admission de moines de nationalités diverses, dont le caractère national était totalement soumis à l'idéal monastique, le mauvais exemple contribua à permettre de commencer à accentuer d'une manière excessive le caractère national des moines. D' autre part c'est encourageant que la Fraternité russe, restée peu nombreuse, repousse les efforts pour servir à des fins politiques. Il n'est que trop évident où une telle politique pourrait conduire si elle continue.

4) Le principe moderne sur la liberté individuelle, très juste en soi, a encore contribué un peu à la corruption des moeurs monastiques, parce que nous avons même des cas de moines peu consciencieux, qui invoquent l'autorité judiciaire pour défendre leur liberté individuelle contre les limitations imposées par les règles monastiques! Bien rares sont, il est vrai, les juges qui dans leurs sentences donnent raison aux tendances subversives de tels moines dégénérés, mais le fait seul d'individus cherchant à exploiter les idéals de la civilisation actuelle au dépens de la vie monastique, est suffisant pour démontrer qu'un certain relâchement de l'idéal monacal peut aussi prévenir de ce gêté là.

5) Les deux guerres mondiales et l'état de guerre existant en Grèce depuis 1912 jusqu'à une époque récente presque continuellement ont eu une influence excessivement forte sur le monachisme, car les jeunes gens, occupés presque sans discontinuité à faire la guerre et élevés dans l'atmosphère créée par les résultats sociaux néfastes de celle -ci, trouvaient et continuent toujours à trouver difficilement la voie qui mène vers les couvents.

Les idées communistes d'autre part, se propageant depuis 1917, surtout parmi les états orthodoxes, curent comme une conséquence immédiate d'éloigner de la vie monastique les jeunes gens, attirés par l'idéal communiste, plutôt que par celui de la vie monacale, le premier contenant des éléments beaucoup plus attrayants pour la jeunesse que le second.

C'est d'ailleurs hors de doute que l'Eglise n'a pas su faire face au communisme et le combattre avec une disposition purement chrétienne et avec les moyens spirituels nécessaires pour parvenir à réagir contre l'attraction éprouvée vis-à-vis de celui-ci.

La prédominance du matérialisme a nettement influé sur l’idéologie monastique. Mais il est hors de doute que le matérialisme tel qu il se manifeste dans le capitalisme, avec lequel l'Eglise s'est quelques fois alliée, a contribué à empirer l'état des choses.

C'est un titre d'honneur pour l'Eglise romaine le fait que les Papes, depuis Léon XIII jusqu'au Pape Jean XXIII, par leurs Encycliques célèbres sur le régime social, ont posé ces questions à leur juste place, repoussant ainsi le blâme de la justification facile du matérialisme capitaliste.

6) L'antagonisme ecclésiastique pour la prépondérance d'un Eglise sur l'autre qui jusqu'à une époque récente et sur bien de points jusqu'à nos jours même, n'a cessé de se développer, a eu des résultats funestes pour les sentiments religieux en général et pour l'idéal monastique en particulier. Cet antagonisme illicite et antichrétien, manifesté par le prosélytisme exercé illicitement et d'une manière peu chrétienne par une église au dépens de l'autre, en pleine méconnaissance des paroles du Seigneur que «tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné et toute ville ou maison qui est divisée contre elle-même ne pourra subsister» (Math. XII-21) a influé d'une manière désastreuse sur l'âme de la jeunesse chrétienne qui, malgré une catéchisation ecclésiastique entêtée et de mauvais aloi, a commencé, à se demander où se trouve enfin la vérité et s'éloigne positivement de la vie monastique qui, pour elle, représente dans toute sa rigueur l'exclusivité religieuse des Eglises. Ceci n'est peut-être pas directement évident, mais influe incontestablement d'une manière indirecte sur la jeunesse orthodoxe, sur celle au moins qui est aujourd'hui attirée par les idées libérales. Les Eglises doivent, à mon avis, prêter une attention spéciale sur ce point et chercher à trouver et à mettre en pratique des mesures et des méthodes efficaces, non seulement pour sauver la situation, mais surtout pour se sauver elles-mêmes d'un état de choses qui, s'il continue, mènera à un désastre.

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